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richard millet - Page 14

  • Réduction ad hitlerum et point Godwin : armes de disqualification massive ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la reductio ad hitlerum, une arme qui commence sérieusement à s'user...

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    Réduction ad hitlerum et point Godwin : armes de disqualification massive ?

     

    Dans les années 1970, Jacques Chirac était dessiné par Cabu en chemise noire dans Le Canard enchaîné, puis Jean-Marie Le Pen en chemise brune en une du Monde sous la plume de Plantu. Est-ce bien sérieux ?

    Ce n’est pas sérieux, mais c’est révélateur. Il est aujourd’hui admis que le nazisme a été le mal absolu (une expression qui laisse d’ailleurs songeur, car on ne voit pas comment il pourrait y avoir quelque chose d’absolu dans les affaires humaines). Pour délégitimer, décrédibiliser, disqualifier, rendre infréquentable un adversaire, il est donc éminemment rentable de laisser entendre ou de prétendre qu’il a quelque chose à voir avec ce détestable régime totalitaire, disparu depuis près de soixante-dix ans, mais qui n’en incarne pas moins toujours le Diable. Rappelez-vous le slogan de mai 68 : « CRS = SS ». Depuis lors, tout ce que l’idéologie dominante voue aux gémonies a été assimilé à « Hitler », lequel a ainsi entamé une belle carrière posthume. On a jeté l’opprobre sur d’immenses écrivains en se focalisant sur un moment passé de leur existence. On a représenté Nasser, Saddam, Kadhafi, Bachar el-Assad et même Poutine comme de « nouveaux Hitler ». On a abusé du raisonnement pars pro toto : « Vous aimez les chiens ? Tiens, tiens, Hitler aussi les aimait beaucoup… » Au fil du temps, ce que Leo Strauss appelait la reductio ad hitlerum est ainsi devenue un procédé économique, car permettant d’éviter tout débat (dans la doxa actuelle, comme vous le savez, il n’y plus d’idées justes ou d’idées fausses, mais seulement des idées « bonnes » ou « mauvaises »), auquel recourent avec une belle régularité tous les esprits paresseux. La conversation est ainsi reconduite à un objet répulsif destiné à susciter l’horreur ou l’effroi, ce qui permet de mettre partout le signe « égal » et de créer des synonymes inexistants. D’où le fameux « point Godwin », ce point que l’on est censé marquer quand on est parvenu à nazifier l’adversaire, sans craindre, tant le procédé est usé, de se rendre soi-même ridicule.

    C’est l’avocat new-yorkais Mike Godwin qui en avait énoncé le principe, en 1990, en observant que plus une discussion dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant Hitler ou le nazisme devient certaine. Aujourd’hui, le délai s’est singulièrement raccourci : compte tenu de l’usure des mots, on monte tout de suite aux extrêmes. Éric Zemmour, Alain Finkielkraut ou Élisabeth Lévy ne sont eux-mêmes pas épargnés : il suffit de recourir à l’inusable antienne de la « haine de soi » pour les représenter en « Juifs antisémites ». Le même procédé s’étend aussi bien sûr aux courants idéologiques, comme en témoignent les grotesques appellations de « rouges-bruns », d’« islamofascisme » ou de « nazislamisme ». Voici deux ans, lorsque l’écrivain Richard Millet avait dû faire face à la meute des critiques, un journaliste hurluberlu n’avait même pas hésité à dire qu’il était « pire que Hitler » ! C’est quoi, « pire que Hitler » ? Plus noir que noir ?

    Ce procès permanent en éternel « retour du nazisme », cette arlésienne de cafés du commerce ont-ils pour seule fonction de délégitimer ceux dont on se refuse à entendre les arguments ?

    Ce peut être aussi, à l’inverse, une légitimation historique rétrospective. Durant la Seconde Guerre mondiale, les démocraties occidentales se sont alliées à un totalitarisme – le communisme soviétique stalinien – pour en abattre un autre – le totalitarisme hitlérien. Il est vital que l’opinion reste convaincue que c’était le bon choix. C’est pourquoi l’inflation de la mémoire du nazisme contraste en permanence avec la suramnésie du communisme. Si critiquable qu’il ait pu être, le communisme doit toujours apparaître comme « moins pire » que le nazisme. Mais la légitimation s’applique aussi aux temps présents, quand il s’agit de faire accepter leur sort à ceux qui pâtissent le plus de l’existence : il faut qu’il y ait un mal absolu pour que l’abjection de la société présente leur devienne acceptable. On ne vit pas dans le meilleur des mondes, mais au moins on échappe au pire !

    Le problème est évidemment que, si le nazisme est partout, il n’est plus nulle part. Faire un incessant parallèle entre Hitler et Le Pen ne revient-il pas à banaliser le nazisme, alors que les mêmes accusent l’ancien président du Front national de faire de même ?

    Il est en effet difficile d’assurer que le nazisme fut un mal absolu, dont le système concentrationnaire a représenté un degré d’inhumanité « unique », et en même temps de prétendre qu’il resurgit partout. Le procédé est en outre des plus pervers, car si le « nazisme », c’est aujourd’hui Marine Le Pen ou Zemmour, beaucoup de gens vont finir par se dire que le nazisme n’était finalement pas si mal que ça ! À cela s’ajoute encore le grotesque de la posture antifasciste à une époque où la résistance à ce fantôme vaut certificat de bien-pensance médiatique, sans faire courir aucun des risques réels que couraient les antifascistes réels au temps du fascisme réel. La banalisation, enfin, est aussi celle des mots. À force d’invoquer le loup, le loup ne fait plus peur à personne. La dévaluation du langage est comme celle de la monnaie : sa valeur d’usage finit par tomber à zéro. Les épithètes autrefois disqualifiantes font maintenant hausser les épaules. « Le nazisme revient » : tout le monde s’en fout. Passons à autre chose !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 12 décembre 2014)

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  • Quand Richard Millet repasse par la station Châtelet-Les-Halles...

    "Je prends quotidiennement le RER, pour moi la station Châtelet-Les-Halles à six heures du soir c'est le cauchemar absolu, surtout quand je suis le seul blanc. Est-ce que j'ai le doit de dire ça ou pas ?" Richard Millet, Ce soir ou jamais, 7 février 2012

     

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et consacrée au complexe commercial et ferroviaire de Châtelet-les-Halles. Ecrivain et polémiste, Richard Millet a récemment publié Le corps politique de Gérard Depardieu (Pierre Guillaume de Roux, 2014) ainsi qu'un hommage au compositeur finlandais Sibelius, intitulé Sibelius - Les cygnes et le silence (Gallimard, 2014).

     

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    Retour à Châtelet

     

    Je n’aime pas déchoir ; c’est pourquoi j’évite autant que je le peux le complexe commercial et ferroviaire de Châtelet-les-Halles, à la célébrité duquel j’ai pourtant contribué en révélant combien il m’arrive de m’y sentir ontologiquement seul, préférant donc au RER le métro et, malgré la distance, la marche dans le bois de Vincennes où les corneilles criaillent sur les ruines de notre civilisation, m’avait dit, la veille, une blonde jeune femme.

    La civilisation française est morte à Châtelet-les-Halles, penserais-je, le lendemain soir, vers six heures, au moment où, faute d’autre solution, je suis entré dans le grand remugle humain, toutes races et ethnies confondues en un corps fiévreux et en quête de légitimité sociale, tandis que j’examinais sincèrement si je n’étais pas la proie d’une de ces « crispations » que les dévots stigmatisent par l’épithète d’« identitaires », prônant ainsi un état idéal qu’on peut appeler post-identitaire, pour bien se démarquer des « crispés » encore porteurs des cellules-souches héritées d’Athènes et de Jérusalem.

    Ce qui m’a frappé, ce soir-là, c’est l’hébétude générale. Ce laboratoire post-racial, cet accélérateur de particules multiculturelles, cet utérus de l’inversion radicale de toutes les valeurs ne parvenait qu’à produire cet état si caractéristique de  la servitude contemporaine dans quoi l’humain s’oublie au point de se sourire à lui-même, au sein d’un grouillement babélien où chacun ignore autrui tout en le surveillant du coin de l’œil et en redoutant de se laisser assimiler par le corps mystique de la nation française, lequel est pourtant mort. J’étais descendu dans un des cercles de l’enfer mondialisé, avec ses damnés frénétiques ou absents, ses sourcilleux djihadistes, ses brebis trottinant d’un pas morne, ses victimes en quête d’un épisode sacrificiel, et nombre de narcissistes, hommes, femmes, enfants, humanoïdes moins soucieux de liberté que d’un surcroît de servitude, pensais-je en remontant vers l’air libre, non sans avoir cherché du regard les gardes rouges de l’antiracisme – incultes écrivains qui, à la suite de l’émission de télévision où j’avais, j’y reviens, évoqué ma détresse à me sentir quelquefois le seul blanc en ce lieu, entendent prouver que je me trompe et que, contre l’évidence, l’« écrasante majorité » non-européenne demeure une « minorité », nonobstant le fait que je m’y retrouve, moi, le minoritaire par excellence, mais sans le « droit » de le dire, un des acteurs officiels du régime m’ayant en outre assuré, lors de cette émission, avec une compassion d’homme de cour, que rien ne lui était plus agréable que de descendre au plus profond de ces entrailles.

                Ces collabos postmodernes n’étaient sans doute pas de service, ce soir-là, ou bien écoutaient-ils le chef de l’Etat discourir, à la Porte Dorée, sur les bienfaits de l’immigration. J’ai bientôt fait sonner le granit du pont Neuf où soufflait un vent froid qui m’a délivré des miasmes. J’ai salué la statue d’Henri IV devant laquelle une espèce de fou tempêtait contre le gouvernement, un exemplaire de Vingt mille lieues sous les mers dans une main, dans l’autre une boîte de raviolis. J’ai préféré regarder, brillant dans la lumière des phares, les jambes soyeuses d’une passante, en hommage à Baudelaire qui a tout dit, en matière de désir comme en politique. Le quai de Conti est plutôt sombre, la nuit, quand on débouche du pont et qu’on le prend sur la droite. La nuit semble même s’y approfondir, ai-je pensé, devant l’hôtel de la Monnaie où se tenait une exposition consacrée à l’ « usine à chocolat » de Paul McCarthy, mouleur de sex toys et gonfleur de ballons dont l’un a récemment connu la gloire d’un détournement néo-situationniste, place Vendôme : une débandade, un fiasco, eût dit Stendhal, un renvoi à l’air du temps, un pet silencieux. Il était d’ailleurs là, ce godemiché sodomique, au premier étage du vénérable hôtel, dans sa verte et discrète gloire, auprès d’un autre gonflage rouge en forme d’étron dressé sous les lambris et les lustres, tandis que Koons, autre industrieux gonfleur, ce qui montre bien la dimension propagandiste du Culturel, exposait non loin de là, au Centre Pompidou, ses chiens constitués de préservatifs noués ensemble, dont un de la « Pinault collection » (ce qui est mieux, nous sommes en France, n’est-ce pas, que la collection Pinault), Koons enculant néanmoins McCarthy quant à la notoriété et à l’argent, constatais-je, depuis le quai venteux, avant de reprendre ma marche et d’arriver devant la statue de Condorcet, entourée par deux étages de blancs bâtiments de type Algeco qu’un puissant projecteur éclairait en donnant à l’auteur du Mémoire sur le calcul des probabilités et des Réflexions sur l’esclavage des nègres l’air, à contre-jour, debout sur le piédestal, d’un Terminator qui eût débarqué non pas du futur mais d’un passé oblitérant tout futur, parce que celui-ci a déjà lieu dans la catastrophe civilisationnelle au cours de laquelle on renie toute forme d’héritage au profit d’un hédonisme ludique et absoluteur, répondais-je à Elie qui m’attendait devant l’Institut de France dont la coupole, pourrait-on lire dans un roman de Jean d’Ormesson, brillait sous une lune éclairant d’un jour blafard la place en hémicycle, déserte, balayée par le vent, en face de la passerelle des Arts aux rambardes surchargées de cadenas aussi clos et insignifiants que le temps où vivent les amoureux venus signaler là leur existence par cet « accrochage » koonsien, penserais-je, quelques heures plus tard, après avoir dîné au Voltaire, en-dessous de l’appartement où est mort l’auteur de l’Essai sur les mœurs, et où j’avais dîné, deux ans auparavant, exactement, en compagnie de Jacques Vergès qui désirait me connaître, après qu’une meute de chiens excités par une romancière à face de vieille fesse, m’eut accompagné aux lisières des forêts intérieures.   

                Un dîner raffiné, au cours duquel Vergès me disait, entre autres choses, que Robespierre n’aurait pas toléré qu’on manquât à la syntaxe, murmurait-il en levant son cigare dans une pénombre qui sentait la fin d’un temps, m’étais-je dit en pensant que c’était le seul point sur lequel je donnerais raison à Robespierre, ce maître de la mort française, comme je me le redirais en quittant le Voltaire, cet autre soir, pour déboucher sur le quai qui porte son nom et gagnant l’autre rive afin de longer le Louvre, sur le quai qui porte le nom de Mitterrand, autre fossoyeur de la France. La décadence de ce pays se lit aussi dans le nom des quais et des rues, et Paris est une ville morte, la capitale de l’insignifiance française et du renouvellement d’un peuple par son contraire, disais-je à Elie que j’ai laissé au pont Neuf pour me diriger vers le grand collecteur des Halles, où je suis descendu entre des clochards et de très jeunes filles qui défiaient le froid, jusqu’au quai quasi désert du RER où une équipe d’ouvriers vêtus de combinaisons blanches et de casques intégraux s’apprêtait à désosser le revêtement mural de la station, quelques lettres du nom Châtelet étant déjà tombées de sorte que le nom devenait une énigme archéologique, sous l’œil résigné de quelques Chinois, de Tamouls et d’Africains, ces frères humains qui, comme moi, attendaient l’ultime convoi de la nuit.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 18 décembre 2014)

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  • Logique de guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous la première chronique de Richard Millet publiée sur son site personnel. Ecrivain, Richard Millet a écrit de nombreux romans ainsi que des récits, comme La confession négative (Gallimard, 2009) ou des essais comme L'opprobre (Gallimard, 2008), Arguments d'un désespoir contemporain (Hermann, 2011), Fatigue du sens (Pierre-Guillaume de Roux, 2011) ou Langue fantôme (Pierre-Guillaume de Roux, 2012). Il vient de publier Le corps politique de Gérard Depardieu (Pierre-Guillaume de Roux, 2014).

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    Logique de guerre

    Je ne cède pas seulement, en créant ce site, à l’amicale pression de rares amis non plus qu’à la seule beauté du mot site qui dit la demeure élective, à côté d’autres, maison natale ou résidence forcée ; ce site participe à une logique de guerre. Mes rapports avec la presse n'ont jamais été bons: pouvait-il en être autrement, puisque je ne me révélais pas celui qu'on voulait que je fusse, et cela dès mon premier livre, plus récemment depuis que la presse officielle, après avoir lâché ses chiens contre moi, prône le silence à mon sujet, avec de temps à autre une piqûre de rappel dénonçant l’ennemi du Bien ? Le parti dévot ne me fera pas désarmer. Je ne retournerai pas, comme le voudraient certains, à une activité "purement" romanesque par laquelle abjurer je ne sais quels péchés politiques. Je continue : essais, romans, récits, textes inclassables, et aujourd’hui ce site, non pas monument à ma gloire mais outil pour contrer les rumeurs et l’opprobre, et aussi, rompant le silence, pour rendre visibles l’ensemble de mes livres, désormais témoignages. La presse prétendue littéraire n’accomplissant plus sa tâche, les critiques remplacés par des échotiers serviles, et leurs articles uniquement lus par les attachées de presse, les auteurs et les commerciaux qui déterminent financièrement la visibilité des livres recensés (on dit plus volontiers chroniqués, ce qui est une offense à la noblesse du chroniqueur, et contre quoi il faut instaurer une contre-chronique, de la même façon qu’il y a eu la Contre-Réforme et la Contre-Révolution), on peut affirmer que cette presse n’est plus que publicitaire puisqu’elle ne parle plus que de livres pour la plupart insignifiants, donc illisibles, ce qui importe peu, d'ailleurs, en un temps où il ne s'agit plus de lire mais de consommer du Culturel.

    La parole critique a émigré sur les sites, les blogs, les forums généralement tenus par des écrivains ou des lecteurs, du moins ceux qui ne se laissent pas tromper par la Propaganda Staffel ni par le silence de l'opprobre. Ce silence, j’y suis habitué. Je le recherche, même, dans la mesure où il peut recevoir le nom d’anonymat, lorsque les livres que nous avons écrits finissent par dessiner de nous une figure qui nous échappe à la longue et qui est, ici bas, notre vraie gloire. C’est pourquoi je ne me suis jamais vraiment soucié de l’accueil fait à mes livres : il me suffit qu’ils paraissent et que j’aie des lecteurs ; et je me demande comment vivent les auteurs régulièrement encensés par la critique, et quel rapport de maquereautage ils entretiennent avec la presse.  Celle-ci, de droite comme de gauche, n'est plus que la voix de l’idéologie dominante, social-démocrate, antiraciste, philanthropique, antichrétienne, mondialiste, déculturée, moralisatrice; et il ne me paraît pas que les "difficultés" qu'elle connaît représentent un "danger pour la démocratie"; la disparition, même, d’un journal comme Libération serait anecdotique, voire insignifiante dans le système d'inversion générale et de mensonge qui caractérise le capitalisme mondialisé ; bien au contraire, on ne pourrait que s'en réjouir, tout comme du fait que la démocratie puisse être réellement menacée, révélant ainsi sa nature satanique : il me semble que nous sortirions de l’état d'hébétude et de servilité à quoi nous condamnent la prière quotidienne à la démocratie et la bondieuserie humaniste dans quoi le renoncement au catholicisme fait choir ceux qui ne savent plus qui ils sont. Pourquoi vouloir être informé, si cette information n’est que le bruit de la Propagande et le fond de roulement de l’inversion générale des valeurs ? Je n’ai que faire de l’opinion, qui est en grande partie prostitutionnelle, en tout cas pornographique, comme les "débats" ou les "talk shows". A l’opinion, j’ai toujours préféré la parole libre, de la même façon que je vis dans la vérité du Christ, et qu'aux tièdes post-chrétiens je préfère les moines-soldats. 

    Ce qu’on dit de moi étant généralement haineux et mensonger, je ne me contenterai plus d'en sourire. La chiennerie s'en prend à ma figure d'homme, non plus seulement à l'écrivain; d'où la nécessité de ce site. Je ne peux plus m’en tenir à un détachement olympien : n’ayant pas accès à la presse, et pour cause, je crée mon propre organe. Je le redis : je suis en guerre. J’ai appris à frapper pendant la guerre du Liban. Je suis entré dans l’impardonnable. La guerre fait partie de mes tâches, avec la prière, l'écriture et la musique. Il y a un plaisir de la guerre, que seuls connaissent ceux qui ont tenu des armes, notamment des armes automatiques.

    Je frapperai sans relâche: c'est tout autre chose que par haine, comme l'affirmait récemment un fils d'archevêque à propos de ma Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes, qu'il n'a évidemment pas lue. Je frapperai ; il y va de ma vie, c'est-à-dire de cette somme de souffrance et de joies qui m'est propre et que je dédie sans relâche à la vérité.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 4 décembre 2014)

     

     

     

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  • Le corps politique de Gérard Depardieu...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux publient cette semaine Le corps politique de Gérard Depardieu, un essai de Richard Millet. Ecrivain, Richard Millet a écrit de nombreux romans, mais aussi des récits, comme La confession négative (Gallimard, 2009) ou des essais, parfois vigoureusement polémiques comme L'opprobre (Gallimard, 2008), Arguments d'un désespoir contemporain (Hermann, 2011), Fatigue du sens (Pierre-Guillaume de Roux, 2011) ou Langue fantôme (Pierre-Guillaume de Roux, 2012).

     

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    «La plupart des acteurs et des metteurs en scène aujourd’hui n’ont rien vécu ; ils ne connaissent même pas Gilles de Rais [...]. Il n’y a plus de culture, merde. C’est pour ça que vous avez le cinéma qui vous ressemble. Et surtout les acteurs, qui sont vides de tout. Merde alors, un peu de tenue!» Gérard Depardieu

    Depardieu, c’est l’ultime monstre sacré, sur qui la politique n’a pas de prise. L’acteur au corps rabelaisien, pétant et éructant à la face du monde, qui a refusé d’être enterré vivant dans la masse informe. Passé à l’Est, à jamais « hors champ » pour les gardes rouges du Culturel, lui seul aura su résister à l’américanisation du modèle français. Longtemps « migrant de l’intérieur », Depardieu demeure ainsi l’homme du scandale autant que de la grâce qui, mieux que personne, aura su rendre à l’esprit français les accents de la vérité. Là où la tentation du sublime, la dérision grandissante et l’enlisement dans le banal font le lit de la décadence.

     

     

     

     

     

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  • Phobies en tous genres...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la façon dont le système s'attache à discréditer ses opposants en les présentant comme des malades...

     

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    Phobies en tout genre et points Godwin : l’État se défend comme il peut…

    Islamophobie, lepénophobie, judéophobie, homophobie, cathophobie et maintenant familiophobie… Le débat politique serait-il en train de passer de la traditionnelle confrontation d’idées à un bidule se situant entre salles d’urgence et cérémonie vaudou ?

    Certains de ces termes ne veulent pas dire grand-chose. D’autres se justifient : Pierre-André Taguieff n’a pas tort de parler de « judéophobie » plutôt que d’antisémitisme, terme de toute évidence mal construit (les Arabes sont aussi des Sémites). Mais c’est un fait que, de phobie en phobie, on passe à côté de l’essentiel. Il est tout simplement faux qu’une critique dirigée vers une idéologie ou une croyance quelconque, et par extension vers ceux qui se reconnaissent en elle, soit nécessairement l’expression d’une phobie, c’est-à-dire d’une détestation systématique et irraisonnée de tout ce qui s’y apparente. On peut critiquer l’islam sans être islamophobe (ni même islamistophobe), le christianisme sans être christianophobe, les catholiques sans être cathophobe, etc. La vérité oblige cependant à dire que l’attitude phobique se rencontre aussi. On la reconnaît sans peine à l’incapacité d’admettre la complexité du réel, de tenir compte des nuances ou de faire les distinctions nécessaires. Les islamologues de comptoir, qui traitent de l’islam comme d’un tout homogène et unitaire, citent (de seconde main) les sourates du Coran comme d’autres « experts » citent les Protocoles des Sages de Sion, et dénoncent leurs contradicteurs comme des « islamo-fellateurs », « lécheurs de babouche » et « dhimmis » en puissance, rentrent dans cette catégorie, qui relève moins de la politique que du trouble obsessionnel compulsif.

    Une phobie, c’est une peur irraisonnée, telle celle du vide ou des araignées. En serions-nous revenus au temps de l’URSS, quand les opposants étaient placés soit en hôpital psychiatrique, soit au Goulag ?

    Nonobstant ce que je viens de dire, il est évident qu’accuser systématiquement n’importe quel contradicteur d’être phobique de quelque chose n’est qu’une manière de disqualifier son argumentation, et donc d’éviter le débat. Un certain nombre d’opinions étant par ailleurs désormais considérées comme des « délits », l’exclusion de principe des présumés cinglés et des criminels en puissance permet d’assurer à la pensée unique le monopole de la parole légitime. Mais il ne faut pas oublier non plus que la phobie est avant tout un terme médical, et que le langage médical est l’une des langues préférées de l’État thérapeutique et hygiéniste. Je mettrai cette façon de faire en rapport avec la tendance de l’idéologie dominante à « psychologiser » les problèmes auxquels les individus sont confrontés. Afin de masquer les causes politiques et sociales des diverses misères qui frappent les citoyens, on cherche à les convaincre que leurs « difficultés » renvoient à une mauvaise gestion de leurs affects, et qu’il faut avant tout traiter leur « ressenti ». Le chômage engendré par les licenciements boursiers renvoie ainsi, non au cynisme des patrons du CAC 40, mais à des « problèmes d’existence » qui trouvent leur source dans le fait de s’être mal orientés dans la vie. En d’autres termes, on reconvertit sous l’angle de la psychologie individuelle des réalités qui relèvent tout simplement de la politique, quand ce n’est pas de la lutte de classes.

    Cette intrusion sémantique médicale a été précédée par des incantations relevant de l’ordre moral. « Mieux vaut perdre les élections que de perdre son âme », assurait le repris de justice Michel Noir. Du coup, on se demande qui est fou et qui ne l’est pas. Et, pis que tout, qui est en train de le devenir…

    Au sens de la métaphore, la « folie » peut prendre bien des formes. Ce qui frappe dans les débats actuels, c’est la façon dont la moindre polémique entraîne maintenant une surenchère dans la montée aux extrêmes. La quenelle devient un « salut nazi inversé », le grand écrivain Richard Millet est décrété « pire que Hitler », les opposants au mariage gay sont réputés véhiculer des idées « nauséabondes » (comme si les idées avaient une odeur !), et Le Nouvel Observateur peut publier une photo d’Éric Zemmour pour illustrer une première page sobrement titrée « La haine ». L’excommunication mémorielle va de pair avec l’éternel retour des « années trente », et la distribution tous azimuts des points Godwin. On a l’impression qu’une grande partie de la nouvelle classe politico-médiatique est effectivement devenue folle au sens clinique du terme. Ces gens-là deviennent fous parce qu’ils ne sont plus en mesure d’analyser le moment historique où nous sommes, parce qu’ils n’ont plus que des références intellectuelles obsolètes, parce qu’ils ne sont plus producteurs ni de socialité ni de véritable culture. Et surtout parce qu’ils sont sur la défensive. Terrorisés à l’idée de perdre leurs positions, leurs jetons de présence et leurs privilèges, ils deviennent fous parce qu’ils savent qu’ils ont le dos au mur. C’est pour cela qu’ils traitent d’extrémistes, de fascistes et de nazis tout ceux qui les contredisent. N’ayant plus d’arguments, ils se raccrochent désespérément à ces termes qui s’usent chaque jour un peu plus – et d’autant plus vite qu’ils en font plus usage. Il y a quelque chose de tristement pathétique dans ce spectacle. Plus ils donnent dans l’hystérie, plus ils scient la branche sur laquelle ils campent. La fin d’un monde.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 3 mars 2014)

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  • Lettre aux Norvégiens...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai de Richard Millet intitulé Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes. Il revient à cette occasion sur son Eloge littéraire d'Anders Breivik qui avait suscité une violente polémique et lui avait valu une mise au ban du monde littéraire.

     

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    " [...] Depuis qu'il tut contraint de démissionner du comité de lecture de Gallimard en septembre 2012, l’écrivain, en faveur duquel nulle pétition ne circula, est un homme seul, assigné à résidence, lecteur intermittent de quelques manuscrits de second choix, et qui ne participe à aucune décision éditoriale. Gallimard continuera-t-il à publier ses romans ? Rien n'est moins sûr, tant le courage est une vertu rare dans le petit milieu littéraire. Lui demeure acquise la fidélité d'un jeune éditeur, Pierre-Guillaume de Roux, qui n'est pas en vain le fils du réfractaire que fut Dominique de Roux, et de quelques journalistes, parmi lesquels, inattendu, Franz-Olivier Giesbert, qui lui a ouvert les colonnes du Point. Sans compter la cohorte de ses lecteurs anciens et les nouveaux, venus à lui dans le sillage du scandale et de la conjuration des "indignés" professionnels.

    Son orgueilleux refus de la repentance aggravera la vindicte à son égard. «Échec, opprobre, solitude: j'en ai toujours fait mon sel, écrit l'auteur dans sa Lettre ouverte aux Norvégiens... C'est pourquoi je ne prétends pas plus au martyre qu'à la pitié, non plus qu'à la condescendance moralisante ou psychologisante par laquelle on m'incite parfois à regretter, chez moi, je ne sais quelles dispositions à la provocation, voire au masochisme. »

    Revenant sur le réquisitoire prononcé à son encontre par de vertueux censeurs qui, pour la plupart, n'avaient lu que le titre de son essai, Éloge littéraire d'Anders Breivik, par lequel le scandale était advenu, Millet récuse les principaux griefs de ses juges: il n'a jamais fait l'apologie d'un tueur de masse, mais seulement vu en lui le produit
    pervers, le choc en retour, d'une politique iréniste ; il n'a pas voulu dire que ses victimes, complices d'un système néfaste, méritaient de mourir, et s'il n'a pas manifesté de compassion pour elles, alors qu'il se sent depuis toujours solidaire de tous les vaincus de l'Histoire, c'est que le silence lui paraissait le seul signe de respect, voire de compassion, qui n'a pas besoin d'être ostentatoire.

    Est-il nécessaire de souligner que cette défense orgueilleuse ne convaincra pas plus ses critiques qu'elle ne désarmera la haine à son endroit : car bien loin de se présenter en coupable repentant, nu-pieds sur le chemin de Canossa, Millet ne renie pas ses propos sur les menaces que le multiculturalisme et l'immigration extraeuropéenne font courir à l'identité européenne.

    Ni raciste, ni nationaliste, ni fasciste, ni xénophobe, ni provocateur, il se pose en victime émissaire et revendique son « innocence d'écrivain solitaire», refusant le déni de réalité et la décadence de la littérature, et « cherchant dans la langue une voie qui est celle de la vérité». Condamné à l'infamie et à la damnatio memoriae, banni de la scène publique - comme l'a montré, après qu'il ait été accepté et loué,
    le soudain refus du livret que Luc Bondy lui avait demandé pour un opéra de Marc-André Dalbavie, Charlotte Salomon —, il sait que les conséquences de "l'affaire Millet" se feront sentir longtemps encore et que seules, peut-être, les générations à venir rendront
    justice à son œuvre. «Je suis toujours en guerre, conclut-il. Encore plus étranger au bruit de la foule, aux fausses valeurs, aux mots d'ordre du Bien, je continue à écrire : j'apprends à être seul, j'accouche de moi-même, je tente de me défaire du rapport de moi à soi qui définit le narcissisme littéraire [...]. Et je m'éloigne, cherchant l'absolu d'une rupture qui ne se confonde pas avec le nihilisme...»

    Mes écrits témoigneront pour moi, veut croire l'écrivain qui, à dessein, use du futur, sachant qu'il n'a pas été lu, et l'eût-il été, qu'il n'eût pas été compris, ni entendu de bonne foi. À rebours de la foule des tâcherons de la plume pour qui la littérature n'est qu'un divertissement profane et participe de l'échange banal des marchandises, Millet la reconnaît pour ce qu'elle doit être, une aventure spirituelle, un style de vie, un exorcisme des démons, démons personnels et démons du siècle. Une confrontation permanente avec le risque, celui, pour citer Michel Leiris, du contact avec la corne du taureau. [...] "

    Bruno de Cessole (Valeurs actuelles, 3 février 2014)

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